Tout ce que vous devez connaître sur l’abandon de poste
L’abandon de poste est une problématique bien connue des dirigeants d’entreprise et des employés RH. Parfois difficile à appréhender, cette pratique qui chamboule l’organisation interne a été reconsidérée fin 2022 par la loi «Marché du Travail» : désormais, tout abandon de poste peut être assimilé à une démission de l’employé.
Mais qu’en est-il concrètement de cette nouvelle présomption de démission ? Quels sont vos droits en tant qu’employeur, et quels sont les droits de vos salariés en matière d’abandon de poste ? Comment assurer une bonne gestion des plannings malgré tout ? Vous cherchez des explications claires et limpides ? Les experts Combo vous aident à mieux appréhender cette situation souvent délicate à gérer sur le plan juridique.
Qu’est-ce qu’un abandon de poste ?
Pas de complication de ce côté-là : comme son nom l’indique très clairement, l’abandon de poste est une expression employée lorsqu’un salarié a… abandonné son poste de travail. Ou, dans un français plus correct, a quitté son poste de travail de manière prolongée sans l’autorisation de son employeur. Cette situation se traduit concrètement par :
- Une absence non justifiée par un motif légitime, ou non autorisée par l’employeur, depuis 48 heures minimum.
- Un départ anticipé, prolongé et non justifié pendant les heures de travail.
Attention toutefois : une absence non autorisée n’est pas considérée comme un abandon de poste si :
- l’employé se rend à une consultation médicale justifiée par son état de santé
- s’absente pour cause de décès
- fait valoir son droit de retrait.
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Et la loi dans tout ça ?
Le Code du travail ne donne aucune définition légale de l’abandon de poste. Jusqu’à présent, c’est donc la jurisprudence qui a défini les contours de la notion. Elle admettait notamment que cette pratique puisse donner lieu à un licenciement pour faute grave – se référer notamment aux arrêts Cass. Soc numéros 08-43.473 (18/11/2009) et 15-15.164 (02/11/2016). Récemment, l’Assemblée nationale a toutefois statué sur l’abandon de poste : la loi qui en résulte a apporté une modification fondamentale quant au statut de cette pratique et à ses conséquences pour le salarié et l’employeur.
😁 Bon à savoir : attention à ne pas confondre ce mode du rupture de contrat de travail avec le licenciement pour insuffisance professionnelle, qui résulte d’un comportement non fautif du salarié. Dans ce cas précis, ce dernier n’arrive pas à réaliser les tâches qui lui sont confiées conformément à ses qualifications et à son poste de travail.
Pourquoi faire un abandon de poste ?
Qu’il survienne pendant la période d’essai ou après 15 ans de carrière, de la part d’un stagiaire en restauration ou d’un ingénieur cadre, l’abandon de poste peut révéler toutes sortes de motifs :
- Quitter son employeur actuel pour un nouvel emploi ;
- Parce que l’employeur refuse de signer une rupture conventionnelle en CDD, CDI… ;
- Pour des raisons personnelles.
Que dit la nouvelle loi « Marché du Travail » sur l’abandon de poste ?
La loi du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi a impulsé la création d’un nouvel article du Code du travail avec l’objectif d’encadrer l’abandon de poste. Cet article (L. 1237-1-1) considère « qu’est présumé démissionnaire tout salarié qui a abandonné de son plein gré son poste et ne reprend pas son travail, malgré la mise en demeure envoyée par son employeur, à compter de l’expiration du délai fixé par ce dernier ».
Pour faire simple : en vertu de la loi, un abandon de poste peut désormais être considéré comme une démission à condition, toutefois, que l’employé ne réintègre pas son poste après avoir reçu une mise en demeure de la part de l’employeur.
⚠️ Attention : pour avoir une valeur juridique, la mise en demeure doit avoir été envoyée par lettre recommandée, ou remise en main propre contre décharge de l’employeur.
Comment est mise en œuvre la présomption de démission en cas d’abandon de poste ?
En cas d’abandon de poste, la mise en œuvre de la présomption de démission est scrupuleusement encadrée par le Code du travail ; elle est notamment conditionnée par plusieurs mesures obligatoires pour l’employeur :
- Après avoir constaté l’abandon de poste, l’employeur doit envoyer au salarié une mise en demeure pour lui demander de justifier son absence et de réintégrer ses fonctions.
- La mise en demeure doit être effectuée par lettre recommandée, ou remise en main propre (sous la forme d’une lettre) contre décharge.
- La mise en demeure doit fixer un délai à l’issue duquel le salarié sera considéré comme démissionnaire s’il n’a pas justifié son absence ou repris son poste.
Quel recours détient le salarié ?
Selon le Code du travail, le salarié est en droit de contester la rupture de son contrat sur le fondement de la présomption de démission. Il doit alors saisir le bureau de jugement du conseil de prud’hommes (CPH) ; ce dernier se prononcera sur la nature de la rupture du contrat de travail ainsi que sur les conséquences provoquées par cette rupture.
Attention : la durée du délai de la mise en demeure n’étant pas encore précisée par le Code du travail, l’abandon de poste ne peut donc pas, pour le moment, être assimilé à une démission. En attendant, vous devez vous en tenir à la procédure généralement appliquée par les entreprises en cas d’absence prolongée non justifiée ou non autorisée : jusqu’à présent, cette situation se réglait souvent par un licenciement pour faute grave ou pour cause réelle et sérieuse (selon le cas de figure). Découvrez à cette occasion toutes les situations pouvant être considérées comme une faute grave dans la restauration.
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Abandon de poste : comment procéder si la présomption de démission n’est pas mise en œuvre ?
Actuellement, le Code du travail ne précise pas quelle est la démarche à suivre si le salarié n’est pas reconnu comme démissionnaire à l’issue de l’abandon de poste – ni quelles sont les formalités concernant un éventuel préavis de démission.
De plus, comme nous venons de le voir, l’abandon de poste ne peut pas encore légalement faire l’objet d’une présomption de démission. Dans l’attente du texte, il convient donc de suivre la procédure qui encadrait jusque-là de manière informelle l’abandon de poste.
Prise de contact avec le salarié
Le salarié dispose de 48 heures pour vous envoyer un certificat médical. Au-delà de ce délai, son absence peut être considérée comme un abandon de poste.
Mise en demeure du salarié
Avant la loi « Marché du Travail », il s’agissait de la seule obligation imposée à l’employeur. La mise en demeure peut être envoyée (par lettre recommandée avec accusé de réception) après 48 heures d’absences injustifiées.
Sanction disciplinaire ou licenciement
Si l’employé n’a pas réintégré son poste de travail, ou qu’il se présente sans fournir de justification, vous êtes en droit de déclencher une sanction à son encontre, et/ou pouvez décider de le licencier.
Pour procéder au licenciement, vous êtes tenu de convoquer votre employé par courrier recommandé (avec accusé de réception), puis de réaliser un entretien préalable durant lequel vous lui signifierez son licenciement. Pour rappel, le délai prévu pour engager une procédure de licenciement pour faute grave est de 6 semaines à partir de la date de réception de la mise en demeure. Au-delà de ce délai, vous ne pouvez plus licencier votre employé pour ce motif.
Quelles sont les conséquences d’un abandon de poste ?
L’abandon de poste est une pratique pouvant entraîner plusieurs conséquences pour l’employé, mais aussi pour l’entreprise. Ces conséquences sont similaires quel que soit le contrat du salarié (CDD comme CDI).
Les risques encourus pour l’employé avec le nouvel article du Code du travail
En permettant de considérer l’abandon de poste comme une démission, l’article L. 1237-1-1 du Code du Travail ne donne plus la possibilité aux employés qui utilisent cette pratique de percevoir leurs indemnités chômage - la principale conséquence d’une démission étant la suppression de l’allocation chômage.
Les conséquences générales pour le salarié et l’entreprise
- Suspension du salaire jusqu’à la rupture du contrat. En cas d’abandon de poste de votre employé, vous êtes en droit de suspendre son contrat, et donc de ne plus lui verser de rémunération pendant toute la durée de l’absence.
- Impossibilité d’obtenir une attestation Pôle Emploi. Si l’abandon de poste n’est pas considéré comme une démission, il peut, dans l’absolu, donner lieu au versement des indemnités chômage. Mais cela ne sera pas immédiat pour le salarié, car l’employeur n’est pas dans l’obligation de lui fournir une attestation Pôle Emploi avant la rupture du contrat en bonne et due forme (la procédure de licenciement peut prendre plusieurs semaines).
- Impossibilité d’exercer un autre emploi dans l’immédiat. L’employé qui a quitté son poste sans motif légitime et sans autorisation ne peut pas être embauché dans une autre entreprise tant que la rupture du contrat n’est pas effective.
Quels sont vos droits en tant qu’employeur ?
Si vous estimez que l’abandon de poste de votre salarié a été motivé par une intention de vous nuire (et que vous pouvez le prouver), vous êtes en droit de saisir le conseil de prud’hommes pour essayer de percevoir une indemnité. Dans le cas où l’employé a repris une activité professionnelle salariée, le Code du travail considère également que la responsabilité du nouvel employeur peut être engagée.
FAQ sur l’abandon de poste
Un abandon de poste est-il considéré comme une démission ?
Oui, depuis la loi Marché du Travail parue en 2022. Si un salarié absent ne reprend pas son poste dans le délai imposé dans une lettre écrite par l’employeur (15 jours ou plus) et ne justifie pas son absence, l’abandon de poste peut être considéré comme une démission.
Il est néanmoins possible pour le salarié de saisir le conseil de prud’hommes pour contester la rupture du contrat de travail.
Quelles sont les conséquences d’un abandon de poste sur le contrat de travail ?
Un abandon de poste, c’est-à-dire une absence injustifiée pendant au moins un jour de travail, entraîne les répercussions suivantes :
- Le contrat de travail est suspendu ;
- Le salarié ne perçoit plus de salaire pendant l’absence ;
- L’éventuelle rupture du contrat par la suite ne permet pas au salarié de bénéficier des allocations chômage dans les 121 premiers jours minimum ;
- L’employeur peut demander une indemnité si le motif du salarié a été de nuire à l’entreprise.
Licenciement en cas d'abandon de poste : quelle est la procédure ?
En cas d’absence injustifiée, voici la procédure à suivre pour l’employeur :
- Envoyer au salarié absent une mise en demeure de reprendre son poste par lettre recommandée avec accusé de réception ou en main propre contre décharge, en précisant le délai pour reprendre le poste ;
- Engager une procédure disciplinaire dans un délai maximum de 2 mois à compter du début de l’absence injustifiée ;
- Convoquer le salarié à un entretien préalable au licenciement ;
- Envoyer la lettre de licenciement du salarié pour cause réelle et sérieuse, ou bien pour faute grave selon le problème.
L’employeur a-t-il l’obligation de licencier le salarié en abandon de poste ?
Non, l’employeur n’est pas tenu de licencier le salarié en abandon de poste. Il peut désormais, s’il le souhaite, recourir à la présomption de démission.
Quelle est la différence entre une faute simple, grave et lourde ?
Un salarié peut être licencié pour faute simple, grave ou lourde à la fin d’une procédure disciplinaire. Voici les différences :
- La faute simple n’impose pas forcément la rupture immédiate du contrat de travail, mais elle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
- La faute grave rend impossible le maintien du salarié dans les lieux, y compris pendant la période de préavis ;
- La faute lourde, en plus de rendre impossible le maintien du salarié dans les lieux, y compris pendant la période de préavis, révèle une intention de nuire à l’employeur.
Est-il possible de toucher le chômage après un abandon de poste ?
Tout repose sur l’éventuelle rupture du contrat de travail :
- Si l’employeur considère le salarié comme démissionnaire : alors ce dernier ne peut pas toucher les allocations chômage de France Travail (anciennement Pôle Emploi). Il peut demander le réexamen de son cas au 122e jour de chômage en justifiant sa recherche ou sa reprise d’emploi, ou bien les formations suivies… ;
- Si l’employeur considère le salarié comme démissionnaire : alors le contrat de travail est toujours en cours. Les documents de fin de contrat ne sont pas délivrés, donc il ne peut pas y avoir de demande d’allocations chômage à France Travail.
L’employeur peut-il sanctionner un salarié qui reprend son poste après une absence injustifiée ?
Absolument. L’employeur est en droit d’exiger un justificatif, comme un arrêt maladie, dans les 48 heures ou selon le délai fixé par votre convention collective ou accord de branche. Si le salarié reprend son poste sans avoir fourni de preuve, alors l’employeur peut décider de le sanctionner pour absence injustifiée au travail : lettre d’avertissement, mise à pied conservatoire ou licenciement.
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