Le temps de trajet compte-t-il comme du temps de travail effectif ?
Pour se rendre de leur domicile à vos locaux tous les jours, mais aussi parfois pour effectuer des missions ponctuelles à l’extérieur, vos salariés sont amenés à parcourir de nombreux kilomètres. Ce temps de trajet peut être pris en compte dans la gestion de planning, mais représente-t-il également du temps de travail effectif ? Faisons le point sur les notions de trajet et de temps de travail, ainsi que sur la réglementation applicable.
Qu’appelle-t-on le temps de travail effectif ?
En vertu de l’article L3121-1 du Code du travail, le temps de travail effectif implique 3 conditions :
- Le salarié doit être à la disposition de son employeur pendant les heures en question ;
- Il doit se conformer aux directives de l’employeur ;
- Il n’est pas libre de vaquer à ses occupations personnelles.
Si ces conditions ne sont pas réunies, le temps passé ne peut pas être considéré comme du temps de travail effectif.
Malgré cette définition claire, des complications peuvent s’y glisser, notamment lorsqu’on étudie les notions de temps de trajet et de temps de travail côte à côte.
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À quoi correspond le temps de trajet ?
Le temps de trajet correspond aux déplacements quotidiens que doivent effectuer les employés pour se rendre au travail et rentrer chez eux.
Dans sa définition la plus simple et conformément à l’article L.3121-4 du Code du travail, le temps de trajet domicile-travail est indépendant du temps de travail effectif. Bien qu’il soit conditionné par l’activité professionnelle et qu’il puisse varier (parfois de manière très importante) en fonction de tout changement de planning, ce temps de déplacement n’est en effet pas directement consacré au travail.
😄 À retenir : Le temps de trajet travail-domicile est considéré comme un « temps de repos ». À ce titre, il ne fait l’objet d’aucune contrepartie, et ce, quelle que soit la distance qui sépare le domicile du salarié de son lieu de travail.
Temps de trajet et temps de travail effectif : une distinction importante
En principe, le temps de trajet est exclu de la durée légale de travail. Mais ce qui rend le temps de trajet difficile à catégoriser, c’est qu’entre le moment où le salarié quitte son domicile et celui où il arrive sur son lieu de travail (ou vice versa), il n’est pas à la disposition de son employeur… mais ne peut pas vaquer à ses occupations personnelles non plus.
À cela s’ajoutent les situations où l’employé se déplace d’un site à un autre (pour déposer ou récupérer du matériel, par exemple), les trajets pour se rendre à une formation professionnelle, à des réunions, etc. Et que dire des commerciaux, consultants et autres formateurs pour qui les déplacements professionnels font partie intégrante de leurs fonctions ?
En l’absence de précisions, deux théories étaient possibles :
- Certains considéraient que dans la mesure où le salarié se trouvait à la disposition de l’employeur et était tenu de se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles, ses trajets correspondaient à du temps de travail effectif.
- D’autres avançaient le fait que, tout comme le temps de trajet consacré à la liaison travail-domicile, ces déplacements étaient inhérents aux contraintes de l’emploi, sans réellement empêcher le salarié de vaquer à ses occupations personnelles.
Pour mettre tout le monde d’accord, la législation a tranché.
Quand le temps de trajet devient du temps de travail effectif…
Les cas où temps de trajet et temps de travail effectif se chevauchent existent bel et bien.
Des exceptions qui ouvrent droit à une contrepartie
Le Code du travail (article L3121-4, alinéa 2) assure aux salariés une compensation financière ou sous forme de repos dans les cas où le temps de trajet « dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel du travail ».
C’est par convention, par accord d’entreprise, ou par décision unilatérale de l’employeur (après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel) que cette contrepartie est déterminée.
😇 À noter : Le législateur considère que le salarié ne doit pas subir de perte de salaire, mais reste clair sur la distinction entre temps de trajet et temps de travail. Les déplacements peuvent être rémunérés, mais ne sont pas considérés comme du travail effectif.
La Cour de cassation, en revanche, ne s’arrête pas toujours à ce que prescrit le Code du travail. La haute juridiction classe bien les temps de trajet anormaux et les trajets organisés par l’employeur depuis les locaux de l’entreprise comme du temps de travail effectif qui doit être rémunéré comme tel.
Des exemples clairs
La Cour de cassation a fixé sa jurisprudence à plusieurs reprises pour définir les critères du temps de trajet et du temps de travail effectif. Elle a ainsi considéré des temps de trajet anormaux ou des trajets organisés par l’employeur comme du temps de travail effectif, demandant juste rémunération.
Citons par exemple :
- Un salarié itinérant qui continuait de travailler, par téléphone, alors qu’il était au volant. La Cour de cassation a donc statué que le salarié était bien à la disposition de son employeur et se conformait à ses directives, sans possibilité de vaquer librement à ses occupations personnelles. (Cass. soc. 23 novembre 2022, n° 20-21924) ;
- Un salarié qui occupait un poste de technicien de maintenance au sein d’une entreprise de réparation de machines et d’équipements mécaniques. Ce salarié était tenu d’utiliser un véhicule de service afin de transporter des pièces détachées, ce qui l’empêchait de vaquer à ses occupations tout en le soumettant au pouvoir de direction de l’employeur. Temps de trajet de temps de travail étaient donc indissociables (Cass. soc.1er mars 2023, n° 21-12068) ;
- Un responsable technique montpelliérain qui devait se rendre régulièrement à Marseille et Aix-en-Provence dans le cadre de ses obligations professionnelles. (Cass, soc. 7 mai 2008, 07-42.702) ;
- Un salarié qui devait se rendre au siège de l’entreprise avant l’embauche et après la débauche pour récupérer et retourner le matériel et le camion nécessaires à des chantiers (Cass, soc. 13 mars 2002, 99-43.000) ;
- Des ouvriers tenus de se rendre dans l’entreprise pour y récupérer un véhicule professionnel qu’ils devaient utiliser pour se déplacer sur les chantiers (Cass, soc. 29 novembre 2006, n°05-41.390) ;
- Etc.
Temps de trajet, temps de travail : résumons !
Certains souhaiteraient voir tout temps de trajet autre que pour les stricts déplacements travail-domicile faire partie des heures de travail effectif et représenter des heures supplémentaires le cas échéant. D’ailleurs, tout accident de trajet est traité de la même manière qu’un accident de travail, à quelques détails près.
D’autres voient les déplacements comme indépendants des tâches professionnelles proprement dites.
Dans les faits, temps de trajet et temps de travail effectif peuvent être assimilés dans des cas bien précis :
- Si le salarié effectue un trajet domicile-travail lors duquel il est tenu de réaliser une tâche pour son employeur (récupérer du matériel, aller chercher ou déposer un collègue, etc.) ;
- S’il doit se rendre sur différents lieux de travail ;
- S’il effectue des trajets en compagnie de son employeur ;
- S’il se rend d’un lieu de travail à un autre (que ces lieux soient habituels ou non).
En l’absence de précédents clairs, la situation est évaluée au regard des trois critères de base :
- La disponibilité du salarié à l’égard de son employeur ;
- L’obligation du salarié de se soumettre aux directives de son employeur ;
- La liberté du salarié de vaquer à ses occupations personnelles.
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