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La Pause Légale #5 : forfaits jours, quand l’autonomie n’exclut pas le contrôle du temps

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Pierre-Jacques Castanet
Pierre-Jacques Castanet
Mis à jour le
17/7/2023
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La Pause Légale #5 : forfaits jours, quand l’autonomie n’exclut pas le contrôle du temps
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Aménager le temps de travail des salariés sur l’année sans décompter la durée de travail en heures, c’est possible avec le forfait jour ! Ce dispositif prévu par la loi AUBRY offre à l’entreprise une grande flexibilité et simplifie leur gestion de la paie. Il est notamment très utilisé par les cadres, qui travaillent généralement plus de 35 heures par semaine et par les salariés disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.

Mais comment fonctionne ce forfait jour ? Qui y a droit en entreprise ? Comment le mettre en place et quelles sont les obligations de l’employeur ?

Pour répondre à vos questions juridiques les plus brûlantes, Combo publie la Pause Légale. 📚

Merci à Violette Thiry et Pierre-Jacques Castanet d’In Extenso Avocats, qui nous font un topo sur les forfaits jours ! 👇

Le forfait jour, c’est quoi ?

Le forfait jour permet de rémunérer des salariés sur la base d’un nombre de jours travaillés dans l’année. C’est un dispositif qui déroge à la durée légale prévue par le Code du travail (ou par les dispositions d’une convention collective) sur la base d’un forfait établi en jours.

Ce document écrit et signé, avec l’accord du salarié, est fixé soit par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement, soit par une convention ou accord de branche.

Le CSE étant consulté périodiquement concernant les conditions de travail et la politique sociale de l’entreprise (au maximum une fois tous les trois ans selon l’accord), il peut donner son avis sur la régulation de l’activité des salariés au forfait jour, ainsi que sur la création d’un dispositif de rachat des jours de repos.

Selon l’article L3121-64 du Code du travail, le forfait légal est de 218 jours par année au maximum, mais l’entreprise peut prévoir un nombre inférieur. À savoir que le salarié continue de bénéficier des garanties légales prévues en matière de repos quotidien et hebdomadaire, de congés payés et de jours fériés chômés dans l'entreprise.

💡 Bon à savoir : il existe également la convention de forfait heure, qui permet d’intégrer un certain nombre d’heures supplémentaires dans la durée de travail d’un salarié. Contrairement au forfait jour, qui est forcément annuel, le décompte peut se conclure ici sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle, afin d’offrir une plus grande souplesse à l’entreprise. Le contrat de forfait heure est très répandu dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, lors de la saison estivale par exemple.

Qui a droit au forfait jour en entreprise ?

Attention : tous les salariés ne peuvent prétendre à la convention de forfait jour.  Pour en bénéficier, la condition est celle de « l’autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps » (article L 3121-58 du Code du travail).

D’après la loi, seules les catégories professionnelles suivantes y ont droit :

  • Cadres disposant d'une autonomie dans l’aménagement de leur emploi du temps et non soumis à un système de pointage (manuel, automatique ou informatique) ;
  • Salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une autonomie dans l’aménagement de leur emploi du temps.

En termes d’obligation, l’employeur doit s'assurer régulièrement, avec le CSE :

  • Que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ;
  • Du bon équilibre entre activité professionnelle et vie personnelle du salarié.

Quels sont les avantages d’une convention de forfait jour ?

Pour comprendre l’intérêt du contrat au forfait jour annuel, il faut rappeler la contradiction dans laquelle se trouvaient les entreprises avant la loi AUBRY.

D’un côté, une croyance tenace mais fausse juridiquement : « Les cadres n’ont pas droit aux heures supplémentaires »…. Pourtant, un cadre comme n’importe quel autre salarié, a droit aux heures supplémentaires. 

D’un autre côté, la difficulté pratique dans la « vraie vie » de décompter la durée du travail en heures, et donc de décompter des heures supplémentaires auxquelles de nombreux cadres et autres salariés autonomes au quotidien et/ou itinérants pourraient juridiquement prétendre.  

Le grand mérite du régime des conventions de forfait jour, issu des lois AUBRY, a été de sortir de cette impasse et de trouver une solution pragmatique : la possibilité de décompter le temps de travail non plus en heures, mais en jours ! La conséquence immédiate est qu’il n’est plus cette fois question d’heures supplémentaires ou de droit à celles-ci.

Avec un contrat en forfait jour, la rémunération du salarié ne s’effectue plus en fonction du nombre d’heures qu’il effectue mais sur la base d’un nombre de jours travaillés lui permettant de mener à bien la (les) mission(s) dont il est investi. 

Comment mettre en place le forfait jour en entreprise ?

Concrètement, la mise en œuvre du contrat au forfait jour au sein de l’entreprise implique : 

  • Un accord collectif. Les conventions collectives nationales des Hôtels Cafés Restaurants, de la Restauration rapide et des Commerces de détail non alimentaires contiennent par exemple des dispositions permettant de remplir cette condition.  
  • Une convention individuelle de forfait avec le salarié concerné. 

Dès l’origine, certains n’avaient pas manqué de relever le paradoxe existant entre une loi réduisant le temps de travail à 35 heures hebdomadaire et ce régime des forfaits jour qui revenait à pouvoir faire travailler un cadre 13 heures par jour puisqu’il avait droit à 11h de repos …

Cette position n’était pas si infondée puisque depuis plus de 10 ans, le législateur et la jurisprudence n’ont eu de cesse de placer la prévention et plus généralement le droit à la sécurité et à la santé du salarié au centre des préoccupations et donc de renforcer les garanties qui doivent entourer la convention en forfait jour (voir notamment la loi Travail du 8 août 2016 avec la notion d’une charge de travail « raisonnable »). 

Dans ce contexte, les entreprises doivent être attentives à 3 points en particulier :

Savoir « encadrer » l’autonomie

Contrairement à un indépendant, un salarié n’est autonome que sur l’aménagement de ses horaires, pour le reste il est soumis aux instructions de l’employeur mais également dans certains cas à l’activité de l’employeur (inhérentes à ses fonctions et missions). 

Deux conséquences pratiques en découlent : 

  • L'employeur doit impérativement fixer un cadre à ses salariés même les plus autonomes (« feuilles de route », « objectifs », « responsabilités », « fonctions », « tâches et missions », …) pour justement être en mesure d’apprécier le caractère raisonnable ou non de la charge de travail et de la durée du travail ;
  • Si l’organisation du travail l’exige, il est possible de donner pour directives à ses salariés autonomes en forfait jour, d’assurer la fermeture de l’établissement ou d’effectuer des permanences (Soc 15 décembre 2021). 

Plus récemment encore et dans la même logique, l'employeur peut, si cela est justifié par des contraintes liées à son activité professionnelle, exiger un planning de journées ou demi‐journées de présence sans que cela ne remette en cause l’indépendance du salarié et, donc, son forfait (Soc 2 février 2022).

Disposer d’un décompte fiable des temps travaillés 

Pour répondre à l’exigence de « durées raisonnables de travail » (Soc 5 Oct.2017 n°16-23.106) et donc pour satisfaire à l’obligation de protection de la santé, l’employeur doit vérifier que les salariés en forfait jour bénéficient :

  • De leur temps de repos quotidien (11h) et hebdomadaire (35h) ;
  • Mais aussi d’une amplitude de journées de travail qui demeure raisonnable.

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Être en mesure de remédier rapidement à des situations à risques, et donc « non raisonnables » 

Le suivi doit permettre à « l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable » (Soc 13 Oct. 2021). 

C’est aux gérants et managers de procéder à la vérification des temps de travail, sans en laisser ni l’initiative, ni la responsabilité aux seuls salariés concernés [Insuffisance d’un système exclusif d’auto-déclaration (Soc 10/03/2021), insuffisance d’un mécanisme correcteur sur la seule alerte du salarié (Soc 21/10/2020 ),importance d’entretiens réguliers (Soc 30/09/2020)]. 

Un récent arrêt de la Cour de Cassation (Soc 15/12/2021) rend exactement compte des enjeux pour les entreprises : 

Le risque de lourdes conséquences financières 

S’il est établi que l’employeur a fait preuve de négligences en ne respectant pas l’accord collectif relatif à la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait jour, la convention individuelle de forfait jour est frappée « d’inefficacité ». 

En ne procédant à aucun contrôle, ni suivi (pas de décompte des temps, pas d’entretiens, pas de bilan, absence de réponse aux alertes, etc.), le décompte en heures du temps de travail redevient la règle avec pour conséquence une condamnation à des heures supplémentaires. 

Mais une possibilité pour l’employeur de « se racheter » pour l’avenir 

Si sur une période passée, l’employeur a manqué à ses obligations de contrôle, mais qu’à un moment il se reprend et respecte les modalités mises en place dans l’accord collectif, la convention individuelle redevient alors immédiatement effective.

Outil de gestion RH qui a fait ses preuves en termes de flexibilité et d’adaptation aux nouvelles façons de travailler (depuis longtemps « un horaire collectif + un lieu unique de travail » ne sont plus la règle unique), la mise en place d’un contrat en forfait jour ne doit pas faire oublier aux employeurs un principe qui reste à la base du droit du travail : le lien de subordination. Même quelque peu distendu, il est l'élément clé d’une structure hiérarchique et a pour contrepartie la recherche constante de la responsabilité de l’employeur en cas de dysfonctionnement quand il est question du respect de la santé et de la sécurité au travail.

Violette THIRY & Pierre-Jacques CASTANET,

Avocats du cabinet IN EXTENSO AVOCATS.

Le décryptage  d’Aminata, Juriste en Droit Social chez Combo 

Si un forfait annuel en jours aboutit à une charge de travail déraisonnable, cela peut être considéré comme un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Les cadres au forfait jour ne sont donc pas ceux qui font tout, travaillent tout le temps et échappent aux règles du droit du travail.

Prenons une situation concrète : vous décidez d’employer un cadre au forfait jour, quelles sont les premières choses à vérifier et à mettre en place ?

  • Consultez votre convention collective : quelles sont les dispositions prévues pour la catégorie de personnel des cadres ?
  • Identifiez les critères et cochez les cases : l’autonomie dans l’exécution des tâches, dans l’organisation de l’emploi du temps du cadre, la signature d’une convention individuelle de forfait etc.

L'employeur est garant des droits fondamentaux des salariés et à ce titre il doit notamment veiller à ce que le salarié concerné, cadre ou non, bénéficie de ses repos, d’une rémunération en lien avec sa charge de travail, du droit à la déconnexion, d’entretien annuel de suivi etc.

En bref, le cadre au forfait n’est absolument pas un salarié “bien payé” pour travailler de manière acharnée et disponible à toutes heures du jour comme de la nuit.
Il bénéficie d’un cadre juridique qui le protège et l’employeur doit mettre en œuvre des actions concrètes de contrôle, de suivi et tracer les horaires des salariés.

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