La Pause Légale #5 : forfaits jours, quand l’autonomie n’exclut pas le contrôle du temps

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La Pause Légale #5 : forfaits jours, quand l’autonomie n’exclut pas le contrôle du temps
Pierre-Jacques Castanet
Pierre-Jacques Castanet
Posté le
28/4/2023

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Merci à Violette Thiry et Pierre-Jacques Castanet d’In Extenso Avocats, qui nous font un topo sur les forfaits jours 👇

Pour comprendre l’intérêt des forfaits jours, il faut rappeler la contradiction dans laquelle se trouvaient les entreprises avant la loi AUBRY.

D’un côté, une croyance tenace mais fausse juridiquement : « Les cadres n’ont pas droit aux heures supplémentaires »…. Pourtant, un cadre comme n’importe quel autre salarié, a droit aux heures supplémentaires. 

D’un autre côté, la difficulté pratique dans la « vraie vie » de décompter la durée du travail en heures, et donc de décompter des heures supplémentaires auxquelles de nombreux cadres et autres salariés autonomes au quotidien et/ou itinérants pourraient juridiquement prétendre.  

Le grand mérite du régime des forfaits jours, issu des lois AUBRY, a été de sortir de cette impasse et de trouver une solution pragmatique : la possibilité de décompter le temps de travail non plus en heures, mais en jours ! La conséquence immédiate est qu’il n’est plus cette fois question d’heures supplémentaires ou de droit à celles-ci. 

Avec un forfait jours, le salarié n’est plus rémunéré en fonction du nombre d’heures qu’il effectue mais sur la base d’un nombre de jours travaillés lui permettant de mener à bien la (les) mission(s) dont il est investi. 

Pour en bénéficier, la condition est celle de « l’autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps » (L 3121-58 C.Trav). 

Concrètement, la mise en œuvre de forfaits jours au sein de l’entreprise implique : 

  1. un accord collectif. Les conventions collectives nationales des Hôtels Cafés Restaurants, de la Restauration rapide et des Commerces de détail non alimentaires contiennent par exemple des dispositions permettant de remplir cette condition.  
  1. une convention individuelle de forfait avec le salarié concerné. 

Dès l’origine, certains n’avaient pas manqué de relever le paradoxe existant entre une loi réduisant le temps de travail à 35 heures par semaine et ce régime des forfaits jours qui revenait à pouvoir faire travailler un cadre 13 heures par jour puisqu’il avait droit à 11h de repos … 

Cette position n’était pas si infondée puisque depuis plus de 10 ans, le législateur et la jurisprudence n’ont eu de cesse de placer la prévention et plus généralement le droit à la sécurité et à la santé du salarié au centre des préoccupations et donc de renforcer les garanties qui doivent entourer le forfait jours (Voir notamment la loi Travail 8 août 2016 avec la notion d’une charge de travail « raisonnable »). 

Dans ce contexte, les entreprises doivent être attentives à 3 points en particulier : 

Savoir « encadrer » l’autonomie

Contrairement à un indépendant, un salarié n’est autonome que « dans l’organisation de son emploi du temps », pour le reste il est soumis aux instructions de l’employeur mais également dans certains cas à l’activité de l’employeur (inhérentes à ses fonctions et missions). 

Deux conséquences pratiques en découlent : 

  • L'employeur doit impérativement fixer un cadre à ses salariés même les plus autonomes (« feuilles de route », « objectifs », « responsabilités », « tâches & missions », …) pour justement être en mesure d’apprécier le caractère raisonnable ou non de la charge de travail et de la durée du travail.
  • Si l’organisation du travail l’exige, il est possible de donner pour directives à ses salariés autonomes en forfait jours, d’assurer la fermeture de l’établissement ou d’effectuer des permanences (Soc 15 décembre 2021). 

Plus récemment encore et dans la même logique,  l'employeur peut, si cela est justifié par des contraintes liées à son activité, exiger un planning de journées ou demi‐journées de présence sans que cela ne remette en cause l’autonomie du salarié et, donc, son forfait (Soc 2 février 2022).

Disposer d’un décompte fiable des temps travaillés

Pour répondre à l’exigence de « durées raisonnables de travail » (Soc 5 Oct.2017 n°16-23.106) et donc pour satisfaire à l’obligation de protection de la santé, l’employeur doit vérifier que les salariés en forfait-jours bénéficient :

  1. de leur temps de repos quotidien (11h) et hebdomadaire (35h),
  1. mais aussi d’une amplitude de journées de travail qui demeure raisonnable. 

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Être en mesure de remédier rapidement à des situations à risques, et donc « non raisonnables »

Le suivi doit permettre à « l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable » (Soc 13 Oct. 2021)

C’est aux gérants et managers de procéder à la vérification des temps de travail, sans en laisser ni l’initiative, ni la responsabilité aux seuls salariés concernés [Insuffisance d’un système exclusif d’auto-déclaration (Soc 10/03/2021), insuffisance d’un mécanisme correcteur sur la seule alerte du salarié (Soc 21/10/2020 ), importance d’entretiens réguliers (Soc 30/09/2020)]. 

Un récent arrêt de la Cour de Cassation (Soc 15/12/2021) rend exactement compte des enjeux pour les entreprises :  

  1. Le risque de lourdes conséquences financières

S’il est établi que l’employeur a fait preuve de négligences en ne respectant pas l’accord collectif relatif à la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait-jours, la convention individuelle de forfait-jours est frappée « d’inefficacité ». 

En ne procédant à aucun contrôle, ni suivi (pas de décompte des temps, pas d’entretiens, pas de bilan, absence de réponse aux alertes, etc.), le décompte en heures du temps de travail redevient la règle avec pour conséquence une condamnation à des heures supplémentaires. 

  1. Mais une possibilité pour l’employeur de « se racheter » pour l’avenir

Si sur une période passée, l’employeur a manqué à ses obligations de contrôle, mais qu’à un moment il se reprend et respecte les modalités mises en place dans l’accord collectif, la convention individuelle redevient alors immédiatement efficace. 


Outil de gestion RH qui a fait ses preuves en termes de flexibilité et d’adaptation aux nouvelles façons de travailler (depuis longtemps « un horaire collectif + un lieu unique de travail » ne sont plus la règle unique), le forfait jours ne doit pas faire oublier aux employeurs un principe qui reste à la base du droit du travail : le lien de subordination. Même quelque peu distendu, il est l'élément clé d’une organisation hiérarchique et a pour contrepartie la recherche constante de la responsabilité de l’employeur en cas de dysfonctionnement quand il est question de santé et de sécurité. 

Violette THIRY & Pierre-Jacques CASTANET,

Avocats du cabinet IN EXTENSO AVOCATS.

Le décryptage  d’Aminata, Juriste en Droit Social chez Combo 

Si un forfait annuel en jours aboutit à une charge de travail déraisonnable, cela peut être considéré comme un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Le cadre au forfait jour n’est donc pas celui qui fait tout, travaille tout le temps et échappe aux règles du droit du travail.

Prenons une situation concrète : vous décidez d’employer un cadre au forfait jour, quelles sont les premières choses à vérifier et à mettre en place ?

- Consultez votre convention collective : quelles sont les dispositions prévues pour cette catégorie de personnel ?
- Identifiez les critères et cochez les cases : l’autonomie dans l’exécution des tâches, dans l’organisation de son emploi du temps, la signature d’une convention individuelle de forfait etc.

L'employeur est garant des droits fondamentaux des salariés et à ce titre il doit notamment veiller à ce que le salarié concerné bénéficie de ses repos, d’une rémunération en lien avec sa charge de travail, du droit à la déconnexion, d’entretien annuel de suivi etc.

En bref, le cadre au forfait n’est absolument pas un salarié “bien payé” pour travailler de manière acharnée et disponible à toutes heures du jour comme de la nuit.
Il bénéficie d’un cadre juridique qui le protège et l’employeur doit mettre en œuvre des actions concrètes de contrôle, de suivi et les tracer.

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