Les boulangeries-pâtisseries face au Covid-19
Comment ont-ils réagi à ces changements soudains ? Profitent-ils de ce moment particulier pour faire un bilan et se former à d’autres outils ? Comment anticipent-ils l’avenir ?
Si les boulangers-pâtissiers font figure de rescapés en cette période de crise sanitaire qui a contraint notamment tous les restaurants à baisser le rideau, ils doivent faire face à de nombreuses difficultés, et notamment à une baisse du chiffre d’affaires et à une réorganisation de leur façon de travailler. Comment ont-ils réagi à ces changements soudains ? Profitent-ils de ce moment particulier pour faire un bilan et se former à d’autres outils ? Comment anticipent-ils l’avenir ?
David Bonnin, co-fondateur des boulangeries Bonnin à La Tranche-sur-mer et Nicolas Bécam, fondateur des boulangeries Maison Bécam à Angers, se sont confiés au micro de François Beaucourt, directeur marketing et communication de Menlog, au cours d’un webinar exceptionnel co-organisé par Combo.
Contexte : les prévisions étaient très positives pour la boulangerie-pâtisserie pour l’année 2020, avec un CA en hausse de 8% et une pérennité de 98%, soit un marché solide, en progression. La crise liée au Covid-19 a eu un impact immédiat sur l’activité des boulangers-pâtissiers : baisse de CA, baisse de volume. La pâtisserie, la viennoiserie et le snacking ont beaucoup regressé.
Réactions et impacts face à la crise
David Bonnin annonce un CA en baisse de 35%.
Nicolas Bécam annonce un CA en baisse de 50 à 70% en fonction de la situation géographique de ses boulangeries.
Comment ont-ils réagi par rapport à cette chute de CA ?
David Bonnin a rapidement réduit les plages horaires d’ouverture, et étudié comment réorganiser la production, y compris dans les laboratoires.
Depuis le 15 mars, Nicolas Bécam estime que la boulangerie est le seul modèle économique qui tienne encore debout, alors que d’ordinaire il peut aussi compter sur la pâtisserie, la viennoiserie, le snacking, entre autres. Actuellement son CA se décompose ainsi : 90% de boulangerie, 5% de pâtisserie, 5% de viennoiserie, soit comme aux débuts de son père, il y a 60 ans.
Adaptation du business model
Comment trouver de nouveaux relais de croissance de CA, tout en améliorant son image ?
NB : Capitaliser sur la visibilité digitale, en mettant à jour le site Internet et les réseaux sociaux Facebook, Instagram, LinkedIn. NB a amélioré sa boutique en ligne, créé des packs de confinement pour éviter trop de déplacements, et propose désormais un service de click & collect (les clients choisissent le lieu et le créneau de retrait le lendemain de la commande), ainsi que de la livraison via UberEats ou K’liveo, qui livre avec des triporteurs.
Questions-réponses
Avez-vous pu bénéficier de report de loyers pour les établissements actuellement fermés ?
NB : Certains bailleurs ont carrément supprimé le loyer d’avril, d’autres l’ont réduit de 25%. Mais j’ai aussi du me bagarrer pour décaler l’échéance de certains loyers.
Avez-vous demandé un report des emprunts en cours ? Comment gérez-vous vos finances ?
DB : Pour l’instant non. Pour moi il vaut mieux payer ses échéances aujourd’hui, quitte à prendre un PGE plus tard afin qu’il y ait moins d’incidences sur le taux.
NB : On a fait des demandes de report de 6 mois par principe, et on fera plus si c’est possible. La perte d’exploitation va certainement nous obliger à nous réndetter, afin de financer notre trésorerie.
On pense aussi à l’ouverture du capital.
Comment avez-vous fait pour que le panier moyen ne baisse pas ?
NB : On a créé des packs de confinement, soit des lots de pains, avec de la pâtisserie ou des gammes apéritives.
Passez-vous par une appli pour le click & collect ? Comment incitez-vous les gens à acheter de cette façon ?
NB : On travaille avec un site Internet pour le click & collect.
On a beaucoup poussé notre communication sur les réseaux sociaux pour faire connaître le click & collect, notamment pour la boulangerie. C’est un support de communication global, un outil de visibilité, qui permet aussi de faire de la vente physique car les gens qui ont découvert les produits en ligne préfèrent parfois passer commande par téléphone.
LA GESTION AU QUOTIDIEN
Quelles ont été vos actions face à l’impact direct sur votre trésorerie ?
DB : On a agi sur la masse salariale, après avoir beaucoup discuté avec le personnel pour savoir qui voulait rester chez lui, qui voulait aller au travail, pour que chacun soit à l’aise avec la situation.
Concernant la productivité, on a veillé à ne pas surproduire pour limiter les pertes.
NB : On avait 25 jours de trésorerie d’avance, et on a donc payé nos factures fournisseurs pour ne pas entacher la confiance, puis on a restreint la masse salariale et fait très attention à nos achats, mais aussi à notre productivité en limitant les pertes. On a aussi effectué des demandes de PGE (Prêt Garanti par l’Etat), et fait des plans de trésorerie sur les 6 prochains mois, avec une visibilité dégradée de l’activité.
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Comment avez-vous réorganisé vos équipes ?
DB : Nous avons rassuré les employés en étant présent à leurs côtés, mais aussi en mettant en place toutes les mesures sanitaires (marquage au sol, plexiglas devant les caisses, gel hydro-alcoolique). On fabrique aussi des masques.
NB : On a aussi veillé à rassurer le personnel, en leur donnant des masques et des gants. On a réduit le personnel au maximum par rapport à l’activité et au chiffre d’affaires, et fait en sorte que les personnes se croisent moins. On a aussi instauré 3 jours de travail suivis de 3 jours de repos. Et on a installé des parois en PVC devant les caisses, et positionné des marquages au sol.
Tous les gens occupant des fonctions support sont en télétravail, et on a mis un maximum de salariés et d’apprentis en chômage partiel. D’autres sont en arrêt de travail pour maladie ou pour garde d’enfant. Il faut gérer chaque collaborateur individuellement, et avec bienveillance.
Les enjeux sont logistiques, financiers mais aussi psychologiques.
Avez-vous mis en place des primes ?
DB : Notre visibilité n’est pas assez bonne pour mettre en place des primes pour l’instant.
NB : L’activité étant en chute, il est impossible d’accorder des primes, mais on trouvera un moyen d’exprimer notre reconnaissance
Vous appuyez-vous sur des outils digitaux ?
DB : Les caisses remontent pas mal d’informations, notamment les catégories de produits vendus par plage horaire, ce qui nous permet de bien planifier nos effectifs.
Grâce à Combo, nous disposons des remontées de caisse de Menlog pour vérifier les ratios et voir si le nombre de personnes planifiées est cohérent avec le CA réalisé.
Et en faisant des tableaux croisés, on peut encore affiner l’analyse.
NB : Nous aussi, nous nous appuyons sur Menlog et MenBoard. On fait aussi un point hebdomadaire sur la masse salariale et sur le CA prévu/réalisé, sans oublier les achats/livraisons pour mieux marger. Nos plannings sont également étudiés.
Qu’avez-vous fait pour développer la communication ?
NB : On fait un point sur WhatsApp tous les jours avec nos collaborateurs. L’idée étant de réduire les déplacements. Le groupe WhatsApp et l’utilisation de la visioconférence permettent de régler des petits problèmes tous les jours, et nous garderons cette organisation par la suite.
L'après-crise
Quand et comment voyez-vous cette reprise ?
DB : La reprise sera lente car on imagine que les gens devront retourner au travail plutôt que de prendre beaucoup de vacances. Nous craignons que les vacanciers soient moins au rendez-vous.
NB : Je suis plutôt confiant, car le snacking devrait être prisé des salariés qui ne pourront pas aller déjeuner au restaurant durant la période de déconfinement.
Quels leviers pour mieux communiquer ?
NB : Une campagne de flyers dans les boites aux lettres, avec coupons de réduction, avait très bien marché il y a 6 mois, aussi bien en terme de visibilité que d’image. Nous avons prévu de recommencer ça en juin.
DB : Nos clients, ce sont les touristes, donc il faut absolument que tous les acteurs du tourisme (hôtels, campings…) remplissent leurs établissements afin que nos boutiques puissent travailler.
Quelles sont vos priorités pour les 3 ou 4 mois à venir ?
NB : Communiquer avec les collaborateurs, rester bienveillant avec eux et savoir les récompenser. Ensuite, c’est le moment de digitaliser, car les gens sont prêts.
On peut aussi profiter de cette période pour accélérer le référencement des produits locaux (farine, beurre…) et en le faisant savoir.
Et, enfin, il va falloir Investir dans les supports de communication.
DB : Nous allons devoir recruter pour la saison, en y allant en douceur pour éviter d’être en sureffectif si l’activité est poussive.
Et préparer les ouvertures des magasins, afin de pouvoir réagir rapidement.
Avez-vous mené des actions solidaires ?
NB : Au début du confinement, on a offert des sandwichs confectionnés avec les denrées qu’on avait en trop. En termes d’image, les retours ont été exceptionnels. L’idée c’est de communiquer sur notre présence, sans tomber dans le mercantilisme et le marketing.
Pour conclure, il faut prendre de la hauteur par rapport à ce qui se passe, et rester solidaires entre entrepreneurs, car la période est critique pour tout le monde. C’est aussi le moment d’écouter les collaborateurs, d’être bienveillants à leur égard, et surtout reconnaissants, car ils sont présents sur leur lieu de travail, au service des clients.